Alors que depuis quelques années, la tendance du manga d’épouvante est au jeu de massacre gratuit et sans réel intérêt, il est appréciable de voir que le genre est encore capable de proposer autre chose. Avec son ambiance oppressante et son trait noir et vibrant, Nuisible renvoie à une approche assez old school, rappelant les maîtres du genre, Kazuo Umezu et Junji Itō. Le premier des trois tomes qui composent l’intégralité du récit nous propose un trip dans une esthétique épurée et vénéneuse pour bien commencer l’année.
Depuis quelques temps, Ryôichi fait le même cauchemar en boucle. Il se retrouve dans une barque entourée de corps flottant à la surface de l’eau. Parmi eux, une jeune femme aussi magnifique que terrifiante se réveille et l’attaque. Ce n’est sûrement pas un hasard si la jeune femme en question, non seulement existe mais qui plus est, débarque fraîchement dans sa classe. Dès lors, tout le lycée n’a d’yeux que pour la mystérieuse et vénéneuse Kikuko Munakata. Son arrivée coïncide avec d’étranges phénomènes survenant un peu partout en ville, impliquant des colonies de fourmis s’en prenant aux animaux domestiques. L’atmosphère est rapidement installée et nous plonge dans un monde en sursis, dû aux changements climatiques. Car oui, en arrière-plan, Nuisible lance un signal d’alerte écologique, faisant valoir que l’homme va devoir, à l’instar de certaines espèces, évoluer pour faire face aux dérèglements climatiques à venir. Kikuko semble avoir déjà entamé sa mutation en prévision de sa survie. Se nourrissant d’endorphines sécrétées par ses victimes, après les avoir excitées, la jeune femme renvoie à l’image de la mante religieuse dévorant son compagnon après l’accouplement. À la lecture, on repense également à des films comme La Mutante ou dans une moindre mesure à Under the Skin. Quand la beauté devient synonyme de mort…
Aux commandes de ce titre, on retrouve le duo Masaya Hokazono et Yu Satomi. Le premier, au scénario, est un habitué des récits de SF et de revenants, à qui l’on doit des titres comme Inugami, Girlfriend ou encore Emerging. La seconde, au dessin, est principalement connue pour l’illustration de couvertures de livres, Nuisible étant son tout premier manga. Ils accouchent d’une œuvre pleine de poison dans laquelle le lecteur se fait happer sans grande résistance. D’une certaine manière, Nuisible fait dans le classicisme horrifique, se drapant de mystère et distillant un doux parfum de paranoïa ambiante. L’approche graphique très crayonnée où chacun des traits reste apparent appuie l’impression de malaise, cette sensation à mi-chemin entre réalité et cauchemar. Romance, suspens et fantastique se mêlent dans un tourbillon plein de noirceur. Bref, une fort belle entrée en matière pour un titre court mais qui doit, on l’espère, encore receler de bonnes surprises. Affaire à suivre…
Nuisible (T. 1)
De Masaya Hokazono et Yu Satomi
Édité par Kana