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#Edito Une Époque Formidable

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Nous vivons une époque formidable. L’offre sérielle n’a jamais été aussi florissante. Et le spectre des genres aussi large. Il y a toujours une bonne surprise à dénicher, toujours un objet à encourager. Et quand ce n’est pas aux États-Unis, il y a le reste du monde. Aujourd’hui, vouloir suivre l’actualité série revient à écoper la mer, vouloir traiter l’actualité revient à jouer le mythe de Sisyphe. Avec le risque de subir une sorte d’érosion de l’enthousiasme.

Il y a la frustration de devoir faire des choix. Il y a la privation de ne pouvoir s’attarder, de ne plus donner le temps à une série d’infuser avant qu’une autre ne prenne sa place. Pris dans le ressac des nouveautés, des rattrapages in extremis pour recoller au temps, une œuvre balaye l’autre avec cette impression très despotique de ne devoir traiter que des choses qui comptent. Il faut tout voir et vite. Il faut papillonner, quitte à promener un regard superficiel, désintéressé et dicté par ce sentiment que l’on s’impose : « il faut que je vois cette série ». Cette obligation est davantage motivée par le besoin de respecter les règles qui nous obligeraient à être les premiers ou suffisamment bien placés pour faire parti du brouhaha que le résultat d’une réelle envie.

westworld-1x06-03Les séries défilent, automatisées, comme à l’usine où il ne s’agit plus de vérifier la conformité mais de célébrer la différence, la défaillance, le bug dans la matrice. Nous devenons des inspecteurs, justifiant notre existence à travers des quotas à respecter. Combien d’épisodes par jour ? Combien de séries par semaine ? Quel nombre justifie une expertise ? Sommes-nous encore compétent si on ne regarde pas Game of Thrones mais que l’on continue MacGyver (2016) ? Sommes-nous intelligibles si on préfère s’attarder sur des séries de networks au lieu de Westworld ? Il n’y a jamais eu autant de séries produites et pourtant, il ne faudrait parler que d’une poignée d’entre elles.

Ce nouveau paysage, nous n’avons pas encore trouvé comment l’aborder. L’enthousiasme s’effrite, s’émousse, étouffe face à la déferlante, s’ennuie de l’incessant mouvement, du flux continu, de l’impossibilité de pouvoir s’arrêter au risque de voir des trains entiers nous passer sous le nez. Notre attention est accaparée en permanence. On voudrait voir se dessiner des formes, des motifs, se tisser les liens, de célébrer les convergences mais tout devient informe, bouffé par le nombre croissant qui masque ou obscurcit notre vision.

Nous vivons une époque formidable. Et si nous ne parlions pas d’un art qui nous importe et que l’on souhaite comprendre, défendre, analyser, nous ne serions pas loin d’éprouver que la Peak TV est un cancer. Le remède reste à trouver, pendant ce temps-là, on crève à petit feu.

Photo de Une : ©Aude Rigaudier-Farès


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